Plusieurs
actions ont eu lieu au cours des derniers jours dans le contexte du
13ème congrès européen de la police à Berlin, actions qui ont eu un
certain écho dans la presse allemande. Les sujets de ce congrès n’ont
pas seulement une portée européenne mais aussi extra-européenne, c’est
pourquoi il suit un exposé détaillé du contenu de ce congrès, traduit
de l’allemand au français.
D’abord, voici un abrégé des événements préalables au congrès. La
semaine juste avant le congrès, deux voitures de l’entreprise Siemens
ont brûlées. Sur quoi la police a reçu une lettre de revendication
liant l’action au congrès, où l’entreprise Siemens participe à des
innovations techniques et d’équipement.
Les gestes de menaces de la police n’ont pas tardés. Par exemple, la
réunion générale et ouverte au public lors du congrès a été surveillée
par au moins deux agents de police en civil qui sont connus.
Deux autres actions de nuit se sont déroulées la veille du congrès.
Devant l’entrée du bâtiment principal de la « Stiftung Wissenschaft und
Politik » (Fondation Science et Politique), quatre cartouches de gaz
ont explosé et enflammé la porte. Cette fondation, qui élabore des
analyses de politique internationale, est principalement financée par
la chancellerie allemande. Une autre action, cette fois-ci avec des
pierres et des sachets de peinture liquide, fut perpétré contre le
bâtiment de l’entreprise Rola – soi-disant « leader sur le marché du
développement de logiciels de sécurité ». Un autre bâtiment d’un des
sponsors du congrès fut dévitré une semaine après le congrès. Après
chaque action une lettre de revendication détaillée ciblant le congrès
et la nouvelle architecture de sécurité européenne a été laissée sur
place.
Il reste à constater que l’infrastructure de l’appareil de pouvoir forme le point faible de leur architecture.
« Belgrade 6 », « Tarnac 9 », « militante gruppe » ou n’importe qui – la lutte continue !
APPEL
Comme les années précédentes, un congrès européen de la police a eu
lieu en 2010. Ce congrès consiste en une rencontre internationale de
responsables de la police, d’hommes et femmes politiques et de
l’industrie de la sécurité. Il a eu lieu pour la 13ème fois et est
organisé par le groupe d’édition « Behörden Spiegel », qui arrange
également la conférence européenne de la défense. Selon les
organisateurs-trices, l’année dernière, 1,800 participant-e-s sont
venus en provenance de 70 nations.
Une double interconnexion
Les organisateur-trice-s du Congrès appellent eux-mêmes à ce que «
les relations qui existent déjà soient renforcées et que des nouvelles
pratiques soient développées ». L´élargissement et l’approfondissement
de la coopération des organes répressifs de l’UE sont ainsi les deux
objectifs principaux que se fixe ce congrès, visant à établir « une
stratégie européenne globale de sécurité intérieure ».
« Le Programme de Stockholm » est prévu sur l’agenda – programme qui
planifie sur plusieurs années la politique intérieure de l’UE. Ce plan
quinquennal appelle de nouveau à une « lutte contre le terrorisme et la
criminalité organisée », réclamant par ce biais le renforcement de la
coopération policière, militaire et des services secrets. Ils
inaugurent ainsi de nouveaux standards techniques de surveillance et de
contrôle, ce pour quoi l’industrie de la sécurité présente divers
produits dans le hall du congrès. La coopération policière-militaire
était déjà un thème au 12ème congrès (2009). Kai Vittrup s’était vu
offrir une tribune afin de présenter ses riches expériences. M. Vittrup
est actuellement le chef des forces policières de l’UE en Afghanistan,
il était chef des forces policières de L’O.N.U au Kosovo et était
également l`un des responsables des interventions de la police au
Soudan, en Irak et au Timor oriental. Il était en outre chef de la
police de Copenhague pendant plusieurs années. Cette police s’est
d`ailleurs bien illustrée, lors du Sommet Climatique, sur ce que sera
l’avenir des droits de l’homme. Le congrès de la police se veut «
porteur d’avenir » en intégrant les méthodes des services secrets au
travail policier. La surveillance et la répression travaillent de plus
en plus « proactivement », ce qui désigne dans le jargon policier une «
stratégie d`anticipation », approche également poursuivie par l’OTAN.
Durant le congrès, de nombreux forums se sont tenus sur le thème de «
la fusion entre sécurité intérieure et extérieure ». Une conférence
était dévolue à la question: « Que peut-on apprendre des forces armées?
»
Les polices et les agences européennes comme Europol et Frontex sont
de plus en plus interconnectés par le biais de toutes leurs bases de
données et systèmes d’informations qui s’y rapportent. A l’avenir les
agences s’engageront aux côtés d’autres polices, même en dehors de
l’UE. C’est l’une des innovations du Traite de Lisbonne, qui prétend
ainsi résoudre les conflits de « manière civile ».
Concernant la lutte contre l’immigration « illégale » les ministres
de l’intérieur sont bien d’accord. Ceux qui sont principalement visés
par ce dispositif sont sans aucun doute les immigrant-e-s, qui sont
indistinctement associé-e-s au « au crime organisé et au trafic
illicite de drogues ». Parce que la migration trouve toujours, malgré
l’appareil de sécurité blindé, des nouveaux chemins dans les pays
privilégiés de l’UE, les polices répondent en créant des nouvelles
bases de données comme le système automatisé de reconnaissance
d’empreintes digitales Eurodac ou le nouveau fichier de visa à partir
de 2010.
Beaucoup de ces bases de données enregistrent principalement des
migrant-e-s. De plus en plus, ces informations sont utilisées à
d’autres fins policières. Tandis que les frontières extérieures sont de
plus en plus assurées par de nouvelles techniques comme l’utilisation
de satellites, de caméras thermiques, de détecteurs de mouvement ou de
drones, le franchissement des frontières pour les voyageu-r-se-s
possédant un passeport européen ou un visa s’organise de manière plus
discrète. La sensation d’une « Europe sans frontières » ne doit être
que le ressenti de gens privilégié-e-s.
Le pouvoir de la statistique
Les polices s’intéressent vivement aux bases de données et aux
vastes informations qu’elles contiennent. En Allemagne, on utilise
depuis longtemps le moyen du « quadrillage informatique systématique »,
véritable instrument de contrôle qui définie ce que c’est qu’un
comportement déviant et qui normalise la population. Cependant, les
polices et services secrets actuelles ont accès à beaucoup plus
d’informations policières que la police de la RFA lorsqu’elle a lancé
la recherche systématique sous la direction du chef la police fédérale
Horst Herold en 1979. Il s’y ajoute la mise en valeur informatique des
résultats des statistiques de la criminalité mais aussi d’autres
données, par exemple celles des bureaux de la déclaration de résidence,
des offices pour les étrangèr-e-s, des bureaux de travail, qui
fournissent des informations sur le niveau de diplôme ou sur les
domiciles de coupables et suspects. Toutes ces données sont stockées
plus massivement et sur une période beaucoup plus longue qu’auparavant.
Les représentant-e-s des ministres de l’Intérieur européen-ne-s se
réjouissent d’un « tsunami de données » (citation) et veulent « faire
valoir les quantités énormes d’informations pour les administrations
policières ». La restriction de la liberté du web fait de même partie
des convoitises policières. Des réseaux sociaux en ligne et des sites
web sont exploités et si des éléments intrigants sont trouvés alors ils
sont incorporés dans les bases de données policières.
L’UE conclut des accords sur l’échange de données avec d’autres
pays: des accords avec les Etats-Unis et le Japon règlent par exemple
la transmission de données de transactions de finance ou de données de
passagers d’avion. Ce n’est pas la première fois que les
représentant-e-s des ministères de l’intérieur font fi d’un vote
démocratique du parlement européen sanctionnant ce marché de données.
Des entreprises de logiciels développent des produits liant la mise en
valeur de vidéos biométriques avec des données satellites ayant accès à
des nombreuses banques de données. Divers-e-s exposant-e-s offrent même
des logiciels qui peuvent prétendument prédire le comportement humain.
Il y a un grand nombre d’entreprises allemandes en concurrence sur ce
marché de « predictive analytics » (analytique pronostiquant), parmi
ceux-ci SAP, PSI, rola security, Siemens, et EADS.
La folie de la faisabilité assistée par l’ordinateur exige de traiter
de plus en plus de données dans de plus en plus brefs délais et d’y
intégrer un nombre croissant de polices. Pour cela, il faut cependant
adapter les logiciels et le matériel dans l’ensemble de l’Europe. Afin
de gérer cette « architecture informatique », surgissent de nouvelles
agences. Ce dispositif se présente comme une « infrastructure délicate
» pour le contrôle policier et tiendra une place importante lors de ce
congrès.
Pourquoi tout cela?
L’UE n’est nullement un projet pacifique, contrairement à l’image
qu’on aimerait nous en donner. A côté de la violence structurelle
envers les pauvres, nécessaire pour faire couler l’argent au mépris des
intérêts sociaux et qui doit se développer à l’échelle européenne
autant que possible, l’UE envisage de devenir une superpuissance
internationale qui suit de plus en plus ses propres buts.
Dans le devenir-Etat de l’UE, les quatre membres européens faisant
partie du G8 ont décidé d’une partie importante de son orientation. Les
investissements dans la recherche et le développement afin de
construire une « Homeland Security » (sécurité de la patrie)
affermissent l’industrie de sécurité européenne, qui profite malgré la
crise de marchés de forte croissance. La fusion de la police, des
services secrets et du militaire est censé garantir l’énergie et la
production de l’UE et doit assurer la position de l’Europe vis-à-vis de
l’extérieur aussi bien que vis-à-vis de l’intérieur au cours des crises
encore attendues (p.ex. entraînées par le changement climatique).
Et la réplique ?
Les mouvements émancipateurs ne doivent pas se permettre de manquer
l’évolution de la coopération des administrations de poursuite. Il est
nécessaire de trouver des possibilités de réponses à la répression
européennes qui transcendent elles aussi les frontières. Parmi les
activistes européen-ne-s il existe déjà des réseaux transfrontaliers
qui travaillent dans ce sens, p. ex. dans la sphère de la migration ou
dans les contre-sommets. Afin de faire crouler les piliers des
architectures de sécurités européennes dans les pays en question, il
faut en identifier les acteur-e-s et les implémentations – les agences
publiques aussi bien que les agences privées.
Face au devenir-étatique de l’UE, la gauche radicale a du mal à s’y
confronter. Du moins en Allemagne, la critique de la manie européenne
du sécuritaire est abandonné à des groupes de militant-e-s pour les
droits civiques, des avocat-e-s ou récemment le « Piraten-Partei »
(parti des pirates).
Au cours de la mobilisation contre le congrès européen de la police,
nous avons voulu essayé de nous faire une idée des développements de la
coopération des polices européennes. Au préalable de la manif il y eu
plusieurs évènements aboutissant à une assemblée générale. Dans cette
assemblée nous avons voulu poser la question de l’ampleur des
développements déjà accomplis, si la répression d’autrefois était
effectivement plus grave qu’aujourd’hui ou bien simplement une autre, à
quoi des interventions transnationales pourraient ressembler et quels
réseaux déjà existants pourraient être utilisés.
Des informations sur la série d’événements, sur la manifestation et
d’autres publications autour du sujet de l’architecture sécuritaire
européenne peuvent être trouvées à :
http://euro-police.noblogs.org/
Il y aura un 14ème congrès – on se verra à Berlin en 2011 !
Discernons les architectures de la sécurité et faisons-les crouler !
groupe de travail infrastructure délicate
Source: http://grenoble.indymedia.org/2010-02-11-Le-13eme-congres-europeen-de-la